LA COSMOGONIE D'URANTIA - FASCICULE 180. LE DISCOURS D'ADIEU
APRÈS avoir chanté le Psaume 118 à la fin du Dernier Souper, les apôtres pensèrent que Jésus avait l'intention de retourner immédiatement au camp, mais il leur fit signe de s'asseoir et dit:
« Vous vous souvenez bien que je vous ai une fois envoyés en mission sans bourse ni havresac, et même en vous recommandant de n'emporter aucun vêtement de rechange; vous vous rappelez tous que vous n'avez manqué de rien. Mais aujourd'hui nous sommes arrivés à une époque troublée, et vous ne pouvez plus compter sur la bonne volonté des masses. Désormais, que celui qui a une bourse la porte sur lui. Quand vous irez dans le monde pour proclamer l'évangile, prenez pour votre entretien les dispositions que vous croirez les meilleures. Je suis venu apporter la paix, mais elle n'apparaîtra pas avant un certain temps.
« L'heure de la glorification du Fils de l'Homme est maintenant venue, et le Père sera glorifié en moi. Mes amis, je ne dois plus rester longtemps avec vous. Bientôt vous me chercherez mais vous ne me trouverez pas, car je vais en un lieu où vous n'avez pas actuellement accès. Mais quand vous aurez achevé votre oeuvre terrestre comme j'ai maintenant terminé la mienne, vous viendrez auprès de moi, de même que je me prépare maintenant à aller auprès de mon Père. Dans très peu de temps je vais vous quitter, et vous ne me verrez plus sur terre, mais vous me verrez tous dans l'âge a venir quand vous vous élèverez dans le royaume que mon Père m'a donné ».
1. -- LE NOUVEAU COMMANDEMENT
Après quelques moments de conversation amicale, Jésus se leva et dit: « Quand j'ai présenté une parabole montrant comment vous devez être disposés à vous servir les uns les autres, j'ai dit que je désirais vous donner un nouveau commandement; je voudrais le faire maintenant puisque je vais vous quitter. Vous connaissez bien le commandement qui ordonne de vous aimer réciproquement, ou d'aimer son prochain comme soi-même. Mais même cette dévotion sincère de la part de mes enfants ne me satisfait pas entièrement. Je voudrais vous voir accomplir des actes d'amour encore plus grands dans le royaume de la confraternité des croyants. Je vous donne donc ce nouveau commandement: Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Si vous faites cela, tous les hommes sauront que vous êtes mes disciples.
« En vous donnant ce nouveau commandement, je ne place aucun fardeau supplémentaire sur vos épaules; je vous apporte plutôt une nouvelle joie et je vous donne la possibilité d'éprouver un nouveau plaisir en connaissant les délices d'effuser l'amour de votre coeur sur vos semblables. Même en supportant extérieurement des chagrins, je suis sur le point d'éprouver la joie suprême d'effuser mon amour sur vous et vos semblables.
« Quand je vous invite à vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés, je vous présente la mesure suprême de la véritable affection, car nul ne peut avoir de plus grand amour que d'être prêt à donner sa vie pour ses amis. Or vous êtes mes amis, et vous continuerez à l'être, pourvu que vous vouliez bien faire ce que je vous ai enseigné. Vous m'avez appelé Maître, mais je ne vous ai pas appelés serviteurs. Si seulement vous vous aimez les uns les autres comme je vous aime, vous serez mes amis, et je vous dirai toujours ce que le Père me révèle.
Vous m'avez choisi, mais moi aussi je vous ai choisis, et je vous ai conféré l'ordination afin que vous alliez porter des fruits dans le monde en servant vos semblables avec amour, de même que j'ai vécu parmi vous en vous révélant le Père. Le Père et moi nous opérerons tous deux avec vous, et vous éprouverez la divine plénitude de la joie si seulement vous voulez obéir à mon commandement de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés ».
Si l'on veut partager la joie du Maître, il faut partager son amour, et partager son amour signifie que l'on a partagé son service. Cette expérience d'amour ne vous délivre pas des difficultés de ce monde; elle ne crée pas un nouveau monde, mais il est certain qu'elle rend l'ancien monde nouveau.
N'oubliez pas que c'est la fidélité, et non le sacrifice, que Jésus exige. La conscience de faire un sacrifice implique l'absence de l'affection sincère qui aurait transformé ce service en une joie suprême. L'idée de devoir signifie que vous avez une mentalité de serviteur, et qu'en conséquence vous n'éprouverez pas la joie suprême d'accomplir ce service affectueux en tant qu'ami pour un ami. L'impulsion de l'amitié transcende toute conviction de devoir, et jamais l'on ne peut qualifier de sacrifice le service rendu à un ami par un ami. Le Maître avait enseigné aux apôtres qu'ils étaient les fils de Dieu. Il les avait appelés frères, et maintenant, avant de les quitter, il les appelait ses amis.
2. -- LE CEP ET LES SARMENTS
Ensuite Jésus se leva de nouveau et continua à instruire ses apôtres: « Je suis le vrai cep, et mon Père est le cultivateur. Je suis le cep, et vous êtes les sarments. Le Père me demande seulement que vous portiez beaucoup de fruits. On n'élague le cep que pour augmenter la productivité de ses branches. Toute branche stérile issue de moi sera retranchée par le Père. Toute branche portant des fruits sera émondée par le Père afin qu'elle donne encore plus de fruits. Vous êtes déjà purifiés par la parole que j'ai prononcée, mais vous devez continuer à être purs. Il faut que vous demeuriez en moi, et moi en vous; le sarment meurt s'il est séparé du cep. De même que le sarment ne peut porter de fruits à moins qu'il ne demeure dans le cep, de même vous ne pouvez pas non plus produire les fruits du service affectueux si vous ne demeurez pas en moi. Souvenez-vous que je suis le vrai cep et que vous êtes les sarments vivants. Si quelqu'un vit en moi et moi en lui, il portera beaucoup de fruits de l'esprit et il éprouvera la joie suprême de produire cette moisson spirituelle. Si vous voulez maintenir vivant ce lien spirituel avec moi, vous porterez des fruits en abondance. Si vous demeurez en moi et si mes paroles demeurent en vous, vous pourrez communier librement avec moi; alors mon esprit vivant pourra vous imprégner de telle sorte que vous serez à même de demander tout ce que mon esprit veut, et de l'accomplir avec l'assurance que le Père fera droit à notre requête. Le Père est glorifié en ceci: que le cep ait beaucoup de sarments vivants, et que chaque sarment porte beaucoup de fruits. Quand le monde verra ces branches fertiles -- mes amis qui s'aiment mutuellement comme je les ai aimés -- tous les hommes sauront que vous êtes vraiment mes disciples.
« De même que mon Père m'a aimé, je vous ai aimés. Vivez dans mon amour comme je vis dans l'amour du Père. Si vous faites ce que je vous ai enseignée vous demeurerez dans mon amour, de même que j'ai gardé la parole du Père et que je demeure perpétuellement dans son amour. (1) »
 (1) Pour tout ce chapitre, cf. Jean XV.
Les Juifs avaient enseigné depuis longtemps que le Messie serait « une tige issue du cep » des ancêtres de David. En commémoration de cet ancien dicton, un grand emblème du raisin attaché au cep décorait l'entrée du temple d'Hérode. Tous les apôtres s'en souvinrent pendant que le Maître leur parla ce soir-là dans la salle du haut.
Plus tard, les conclusions du Maître sur la prière furent faussement interprétées, et il en résulta de grands chagrins. Ces enseignements n'auraient guère provoqué de difficultés si l'on s'était rappelé les paroles exactes du Maître et si elles avaient ensuite été transcrites correctement. Mais d'après la manière dont l'histoire fut écrite, les croyants finirent par considérer la prière au nom de Jésus comme une sorte de magie suprême, persuadés qu'ils recevraient du Père tout ce qu'ils demanderaient ainsi. Depuis des siècles, des âmes sincères ont continué à faire naufrager leur foi contre cette pierre d'achoppement. Combien de temps faudra-t-il au monde des croyants pour comprendre que la prière n'est pas un procédé pour @-í @-í °{ì ààì ¨-í `-í @ `-í ur apprendre à reconnaître et à exécuter la volonté de Dieu? Il est néanmoins parfaitement exact que, si votre volonté a été vraiment harmonisée avec la sienne, vous pouvez demander n'importe quelle chose conçue par cette union de volontés, et que cette chose vous sera accordée. C'est par Jésus que s'effectue cette union de volontés, de même que la vie du cep irrigue et traverse les sarments vivants.
Quand ce lien vivant existe entre la divinité et l'humanité, il se peut que l'humanité irréfléchie et ignorante prie pour ses commodités égoïstes et pour de vaniteux accomplissements; dans ce cas, il ne peut y avoir qu'une seule réponse divine: que les tiges des sarments vivants portent une plus grande quantité de fruits de l'esprit. Quand le sarment de la vigne est vivant, toutes ses requêtes ne peuvent recevoir qu'une seule réponse: produisez davantage de raisins. En fait, le sarment n'existe que pour porter des fruits et ne peut rien faire d'autre que produire des raisins. De même, le vrai croyant n'existe que pour porter les fruits de l'esprit, qui consistent à aimer les hommes comme les hommes ont été aimés par Dieu -- à s'aimer les uns les autres comme Jésus nous a aimés.
Quand le Père étend sur le cep sa main disciplinaire, il le fait avec amour afin que les sarments portent beaucoup de fruits. Un bon cultivateur ne coupe que les branches mortes et stériles.
Jésus eut de grandes difficultés pour amener simplement ses apôtres à reconnaître que la prière est une fonction des croyants nés d'esprit, dans le royaume dominé par l'esprit.
3. -- L'INIMITIÉ DU MONDE
Les onze venaient de cesser leurs commentaires sur le discours du cep et des sarments lorsque le Maître leur fit signe qu'il désirait continuer à leur parler. Sachant qu'il lui restait très peu de temps à vivre, il dit: « Quand je vous aurai quittés, ne vous laissez pas décourager par l'inimitié du monde. Ne soyez pas abattus, même quand les croyants pusillanimes se retourneront contre vous et se joindront aux ennemis du royaume. Si le monde vous hait, n'oubliez pas qu'il m'a haï avait vous. Si vous dépendiez de ce monde, le monde aimerait ce qui serait sien, mais parce que vous n'en dépendez pas, le monde refuse de vous aimer. Vous êtes dans ce monde, mais vous ne devez pas vivre à sa manière. Je vous ai choisis pour représenter l'esprit d'un autre monde auprès du monde dans lequel vous avez été choisis. Mais souvenez-vous toujours de ce que je vous ai dit: le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils osent me persécuter, ils vous persécuteront aussi. Si mes paroles offensent les incroyants, les vôtres offenseront également les impies. Ils vous feront tout cela parce qu'ils ne croient ni en moi, ni en Celui qui m'a envoyé; vous subirez donc beaucoup de souffrances à cause de mon évangile. Mais au cours de ces tribulations, n'oubliez pas que moi aussi j'aurai souffert avant vous à cause de l'évangile du royaume céleste.
« Beaucoup de ceux qui vous attaqueront ignorent la lumière du ciel, mais ce n'est pas le cas pour certains de nos persécuteurs actuels. Si nous ne leur avions pas enseigné la vérité, ils pourraient faire bien des choses étranges sans encourir de condamnation, mais du moment qu'ils ont connu la lumière et se sont permis de la rejeter, leur comportement n'a pas d'excuse. Quiconque me hait hait aussi mon Père. Il ne peut en être autrement: la lumière qui vous sauve si vous l'acceptez ne peut que vous condamner si vous la rejetez sciemment. Qu'ai-je fait à ces hommes pour qu'ils me haïssent d'une haine aussi terrible? Rien, sinon de leur avoir offert la fraternité sur terre et le salut dans le ciel. N'avez-vous pas lu dans les Ecritures le verset: Ils m'ont haï sans cause? (1).
 (1) Cf. Psaumes LXIX-4 et XXXV-19 ; Jean XV-25
« Mais je ne vous laisserai pas seuls dans le monde. Peu de temps après mon départ, je vous enverrai un auxiliaire spirituel. Vous aurez auprès de vous quelqu'un qui prendra ma place, qui continuera à vous enseigner les voies de la Vérité, et qui vous consolera.
« Que votre coeur ne se trouble pas. Vous croyez en Dieu; continuez à croire aussi en moi. Bien que je doive vous quitter, je ne serai pas loin de vous. Je vous ai déjà dit qu'il y a beaucoup de demeures dans l'univers de mon Père. Si ce n'était pas vrai, je ne vous en aurais pas maintes fois parlé. Je vais retourner dans ces mondes de lumière, ces stations dans le ciel du Père, auxquelles vous accéderez un jour. Je suis venu de là sur terre, et l'heure approche maintenant où il faut que je retourne à l'oeuvre de mon Père dans les sphères supérieures.
« Si je vous précède ainsi dans le royaume céleste du Père, je vous ferai certainement chercher, afin que vous soyez auprès de moi dans les lieux préparés pour les fils mortels de Dieu avant même que ce monde ne fût. Il faut que je vous quitte, mais je serai présent auprès de vous en esprit, et finalement vous serez auprès de moi en personne quand vous vous serez élevés jusqu'à moi dans mon univers, de même que je vais m'élever vers mon Père dans son plus grand univers. Ce que je vous dis est éternellement vrai, bien que vous ne puissiez pas le comprendre pleinement. Je vais auprès du Père, et vous ne pouvez pas m'accompagner, mais vous me suivrez certainement dans les âges à venir ».
Lorsque Jésus se rassit, Thomas se leva et dit: « Maître, nous ne savons pas où tu vas, donc, comme de juste, nous ne connaissons pas le chemin; mais nous te suivrons dès ce soir si tu veux nous le montrer ».
Après avoir entendu Thomas, Jésus répondit: « Je suis le chemin, la vérité, et la vie (1). Nul ne va au Père que par moi. Tous ceux qui trouvent le Père m'ont d'abord trouvé. Si vous me connaissez, vous connaissez le chemin vers le Père. Or vous me connaissez, car vous avez vécu avec moi et vous me voyez maintenant ».
Mais cet enseignement était trop profond pour beaucoup d'apôtres, et spécialement pour Philippe qui, après avoir dit quelques mots à Nathanael, se leva et dit: « Maître, montre-nous le Père, et tout ce que tu nous as dit deviendra clair ».
Lorsque Philippe eut ainsi parlé, Jésus dit: « Philippe, ai-je été si longtemps avec toi pour que même maintenant tu ne me connaisses pas! Je déclare à nouveau que quiconque m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu alors dire: montre-nous le Père? Ne crois-tu pas que je sois dans le Père, et le Père en moi? N'ai-je pas enseigné que mes paroles ne viennent pas de moi, mais que ce sont les paroles du Père? Je parle pour le Père, et non de moi-même. Je suis dans ce monde pour faire la volonté du Père, et je l'ai faite. Mon Père demeure en moi et opère par moi. Croyez-moi quand je dis que le Père est en moi, et moi en Lui, ou alors croyez-moi à cause de la vie que j'ai vécue -- à cause de l'oeuvre » (2).
Pendant que le Maître allait prendre un peu d'eau pour se rafraîchir, les onze s'engagèrent dans une discussion animée sur ces enseignements. Pierre se préparait à faire un long discours lorsque Jésus revint et leur fit signe de s'asseoir.
 (1) Jean XIV-6.
 (2) Cf. Jean XIV-8 à 11.
4. -- L'AUXILIAIRE PROMIS
Jésus continua à enseigner en disant: « Quand je serai allé auprès du Père et qu'il aura pleinement accepté l'oeuvre que j'ai accomplie pour vous sur terre, et après que j'aurai reçu la souveraineté définitive sur mon propre domaine, je dirai à mon Père: « J'ai laissé mes enfants seuls sur terre, et il est conforme à ma promesse de leur envoyer un nouvel instructeur ». Et quand le Père aura approuvé, je répandrai l'Esprit de Vérité sur toute chair. L'esprit de mon Père se trouve déjà dans votre coeur. Quand viendra le jour de l'approbation, vous m'aurez également en vous comme vous avez maintenant le Père. Ce nouveau don est l'esprit de la vérité vivante. Les incroyants commenceront par ne pas écouter son enseignement, mais les fils de lumière le recevront de tout coeur avec bonheur. Quand cet Esprit viendra, vous le connaîtrez comme vous m'avez connu, vous recevrez ce don dans votre âme, et il demeurera en vous. Vous percevez donc que je ne vais pas vous abandonner, sans assistance ni directives. Je ne vous laisserai pas dans la désolation. Aujourd'hui je ne peux être auprès de vous que physiquement. Dans les temps à venir, je serai en esprit auprès de vous et de tous les autres hommes qui désirent ma présence, où que vous soyez, et simultanément dans chacun de vous. Ne discernez-vous pas qu'il vaut mieux que je m'en aille, que je vous abandonne corporellement, de manière à pouvoir être d'autant mieux et d'autant plus complètement avec vous en esprit?
« Dans quelques heures, le monde ne me verra plus, mais vous continuerez à me connaître dans votre coeur jusqu'à ce que je vous envoie ce nouvel instructeur, l'Esprit de Vérité. De même que j'ai vécu matériellement auprès, de vous, je vivrai alors en vous. Je serai uni à votre expérience personnelle dans le royaume spirituel, après quoi vous saurez certainement que je suis dans le Père, et aussi en vous, tandis que votre vie sera enfouie en moi auprès du Père. J'ai aimé le Père et je lui suis demeuré fidèle; vous m'avez aimé, et vous me resterez fidèles. De même que mon Père m'a communiqué son esprit, je vous communiquerai le mien. Et cet Esprit de Vérité que j'effuserai sur vous vous guidera, vous consolera, et finira par vous conduire dans toute la vérité.
« Je vous raconte ces choses pendant que je suis encore avec vous, afin que vous soyez d'autant mieux préparés à supporter les épreuves maintenant imminentes. Quand ce nouveau jour viendra, vous serez habités à la fois par le Fils et le Père, et ces dons du ciel agiront ensemble, de même que le Père et moi nous avons oeuvré sur terre devant vos yeux comme une seule personne, le Fils de l'Homme. Et cet ami spirituel vous remettra en mémoire tout ce que je vous ai enseigné ».
Tandis que le Maître faisait une courte pause, Jude Alphée s'enhardit à poser l'une des rares questions que lui ou son frère aient jamais adressées à Jésus en public. Jude dit: « Maître, tu as toujours vécu parmi nous comme un ami. Comment te connaîtrons-nous quand tu ne te manifesteras plus à nous que par cet esprit? Si le monde ne te voit pas, comment aurons-nous une certitude à ton sujet? Comment te manifesteras-tu à nous? »
Jésus promena son regard sur tous les apôtres et dit: « Mes petits enfants, je m'en vais, je retourne auprès de mon Père. D'ici peu, vous ne me verrez plus comme ici en chair et en os. Je vous enverrai très prochainement mon esprit, qui est exactement semblable à moi, à l'exception du corps matériel. Ce nouvel instructeur est l'Esprit de Vérité qui vivra en chacun de vous, dans votre coeur, et ainsi tous les enfants de lumière ne feront plus qu'un et seront attirés les uns vers les autres. C'est de cette manière que mon Père et moi nous pourrons vivre dans l'âme de chacun de vous, et aussi dans le coeur de tous les autres hommes qui nous aiment et qui réalisent cet amour dans leurs expériences en s'aimant les uns les autres comme je vous aime actuellement ».
Jude Alphée ne comprit pas entièrement ce que le Maître avait dit, mais il saisit la promesse d'un nouvel instructeur; et d'après l'expression du visage d'André, il perçut que sa question avait reçu une réponse satisfaisante.
5. -- L'ESPRIT DE VÉRITÉ
Le nouvel auxiliaire que Jésus avait promis d'envoyer dans le coeur des croyants, de répandre sur toute chair, est l'Esprit de Vérité. Ce don divin n'est ni la lettre ni la loi de la vérité; il n'est pas non plus destiné à opérer en tant que forme ou expression de la vérité. Le nouvel instructeur est la conviction de la vérité, la conscience et l'assurance des vraies significations sur les niveaux réellement spirituels. Il est l'esprit de la vérité vivante et croissante, de la vérité en voie d'expansion, de développement et d'adaptation.
La vérité divine est une réalité vivante discernée par l'esprit. La vérité n'existe que sur les niveaux spirituels supérieurs où l'on comprend clairement la divinité et où l'on a conscience de communier avec Dieu. On peut connaître la vérité et la vivre; on peut expérimenter la croissance de la vérité dans l'âme, et jouir de la liberté que sa lumière apporte à la pensée; mais on ne peut emprisonner la vérité dans des formules, des codes, des credos, ou dans d'autres modèles intellectuels de comportement humain. Si l'on entreprend de formuler humainement la vérité divine, elle ne tarde pas à mourir. Même en mettant les choses au mieux, le sauvetage posthume de la vérité emprisonnée ne peut aboutir qu'à réaliser une forme particulière de sagesse intellectuelle glorifiée. La vérité statique est morte, et seule la vérité morte peut être considérée comme une théorie. La vérité vivante est dynamique et ne peut jouir que d'une existence expérientielle dans la pensée humaine.
L'intelligence est issue d'une existence éclairée par la présence de la pensée cosmique. La sagesse comporte la conscience de la connaissance, élevée à des niveaux supérieurs de signification et animée par la qualité universelle donnée par l'adjuvat de sagesse. La vérité est une valeur spirituelle réelle dont seuls font l'expérience les êtres spirituellement doués qui vivent sur des niveaux supra-matériels de conscience de l'univers et qui, après avoir clairement compris la vérité, permettent à son esprit animateur de vivre et de régner dans leur âme.
L'enfant de Dieu qui possède véritablement la clairvoyance universelle recherche l'Esprit vivant de la Vérité dans toute parole de sagesse. L'individu qui connaît Dieu élève constamment la sagesse à des niveaux de vérité vivante atteignant la divinité. Au contraire, une âme spirituellement routinière abaisse constamment la vérité vivante aux niveaux stagnants de la sagesse et dans le domaine d'une simple exaltation de la connaissance.
Quand la règle d'or -- aimez-vous les uns les autres comme le Maître nous a aimés -- est dépourvue de la clairvoyance supra-humaine de l'Esprit de Vérité, elle n'est rien de plus qu'une règle de conduite hautement éthique. Quand la règle d'or de sagesse est interprétée à la lettre, elle peut devenir un instrument outrageant pour vos compagnons. Si vous ne la discernez pas par l'esprit, vous pouvez tenir de faux raisonnements; par exemple, si vous désirez que tous les hommes vous disent pleinement et franchement le fond de leur pensée, vous croirez devoir leur dire pleinement et franchement le fond de la vôtre. Cette interprétation non spirituelle de la règle d'or peut aboutir à des malheurs indicibles et à des chagrins sans fin.
Certaines personnes discernent et interprètent la règle d'or comme une affirmation purement intellectuelle de la fraternité humaine. D'autres éprouvent cette expression des relations humaines comme une satisfaction émotive des tendres sentiments de leur personnalité. D'autres prennent la règle d'or comme étalon pour mesurer toutes les relations sociales; elles en font un critère de la conduits sociale. D'autres encore la considèrent comme l'injonction positive d'un grand instructeur moral qui a incorporé dans son énoncé le plus haut concept d'obligation morale concernant toutes les relations fraternelles. Dans la vie de ces êtres moraux, la règle d'or devient le centre de leur sagesse et la circonférence de toute leur philosophie.
Dans la confraternité des croyants qui connaissent Dieu et aiment la vérité, la règle d'or revêt des qualités vivantes d'épanouissement spirituel sur des niveaux supérieurs d'interprétation. Les fils mortels de Dieu considèrent alors que cette injonction du Maître leur commande d'établir leurs relations humaines de telle sorte que leurs compagnons retireront de leur contact avec les croyants le plus grand bienfait possible. L'essence de la vraie religion est d'aimer son prochain comme soi-même.
Mais la compréhension la plus élevée et l'interprétation la plus exacte de la règle d'or consistent à prendre conscience de l'esprit de vérité de cette proclamation divine dans sa réalité permanente et vivante. La vraie signification cosmique de cette règle de relations universelles ne se révèle que si on la comprend par l'esprit, que si l'esprit du Fils interprète la règle de conduite à l'esprit du Père qui habite l'âme humaine. Quand les mortels ainsi dirigés par l'esprit comprennent la véritable signification de la règle d'or, ils débordent de l'assurance qu'ils sont citoyens d'un univers amical, et leurs idéaux de réalité spirituelle ne sont satisfaits que s'ils aiment leur prochain comme Jésus nous a tous aimés. Telle est la réalité de l'amour de Dieu clairement compris.
Pour espérer saisir convenablement l'enseignement et la pratique du Maître concernant la non-résistance au mal, il faut percevoir cette même philosophie de flexibilité vivante et d'adaptabilité cosmique de la vérité par rapport aux besoins et aux aptitudes de chaque fils de Dieu. L'enseignement du Maître est fondamentalement une proclamation spirituelle. Même les implications matérielles de sa philosophie ne sauraient être utilement prises en considération en dehors de leurs corollaires spirituels. L'esprit de l'injonction du Maître consiste à ne pas opposer de résistance aux réactions égoïstes d'autrui envers l'univers, et en même temps à atteindre activement et progressivement les niveaux de droiture où se situent les vraies valeurs spirituelles: la beauté divine, la bonté infinie, et la vérité éternelle -- connaître Dieu et lui ressembler de plus en plus.
L'amour et le désintéressement doivent constamment subir dans leurs relations une vivante adaptation interprétative conforme aux directives de l'Esprit de Vérité. Il faut que l'amour saisisse ainsi les concepts changeants et toujours plus étendus du bien cosmique le plus élevé pour la personne qui est aimée. Ensuite l'amour continue en observant le même comportement envers toutes les personnes susceptibles d'être influencées par les rapports vivants et croissants de l'amour d'un homme dirigé par l'esprit pour d'autres citoyens de l'univers. Toute cette adaptation vivante de l'amour doit être effectuer en tenant compte à la fois de l'ambiance résultant du mal présent, et du but éternel de perfection de la destinée divine.
Il nous faut donc clairement reconnaître que ni la règle d'or ni l'enseignement de la non-résistance ne peuvent être correctement compris en tant que dogmes ou préceptes, mais seulement en les vivant, en comprenant leur signification par l'interprétation vivante de l'Esprit de Vérité qui ordonne les contacts affectueux entre humains.
Tout cela indique clairement la différence entre l'ancienne religion et la nouvelle. L'ancienne enseignait le sacrifice de soi; la nouvelle enseigne seulement l'oubli de soi, l'épanouissement supérieur de soi dans l'union du service social et de la compréhension de l'univers. L'ancienne religion était motivée par la conscience de la peur. Le nouvel évangile du royaume est dominé par la conviction de la vérité, l'esprit de la vérité éternelle et universelle. Dans l'expérience vivante des croyants au royaume, aucune somme de piété ou de fidélité à un credo ne peut compenser l'absence de la bienveillance spontanée, généreuse et sincère, qui caractérise les fils du Dieu vivant nés d'esprit. Nulle tradition, nul système cérémoniel de culte officiel ne peuvent remplacer le manque de compassion sincère pour vos semblables.
6. -- LA NÉCESSITÉ DU DÉPART
Après que Pierre, Jacques, Jean, et Matthieu eurent posé au Maître de nombreuses questions, il continua son discours d'adieu en disant: « Je vous raconte tout cela avant de vous quitter, afin que vous soyez suffisamment préparés à ce qui va vous arriver pour ne pas commettre de graves erreurs. Les autorités ne se contenteront pas de vous expulser des synagogues. Je vous préviens que l'heure approche où ceux qui vous tueront croiront rendre service à Dieu. Ils vous traiteront ainsi, vous et tous ceux que vous conduirez dans le royaume des cieux, parce qu'ils ne connaissent pas le Père. Ils ont refusé de connaître le Père en refusant de me recevoir, et ils refusent de me recevoir quand ils rejettent ceux d'entre vous qui ont gardé mon nouveau commandement de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Je vous annonce ces choses d'avance, afin qu'au moment où votre heure viendra, comme la mienne est maintenant venue, vous soyez fortifiés par la connaissance que je savais tout cela et que mon esprit vous accompagnera dans tout ce que vous souffrirez à cause de moi et de l'évangile. C'est pourquoi je vous ai parlé si explicitement depuis le commencement. Je vous ai même avertis qu'un homme pourra avoir pour ennemis les membres de sa propre famille. L'évangile du royaume ne manque jamais d'apporter une grande paix dans l'âme individuelle des croyants, mais il n'apportera pas la paix sur terre avant que les hommes ne soient disposés à croire de tout leur coeur à mes enseignements et à instaurer la pratique de faire la volonté du Père comme but principal de leur vie terrestre.
« Maintenant que je vous quitte et, puisque l'heure est venue pour moi de retourner auprès du Père, je suis étonné qu'aucun de vous ne m'ait demandé pourquoi je vous quitte. Néanmoins, je sais que dans votre coeur vous vous posez cette question et je vous en parlerai clairement comme à mes amis. Il est réellement profitable pour vous que je m'en aille. Si je ne m'en allais pas, le nouvel instructeur ne pourrait venir dans votre coeur. Il faut que je sois dépouillé de ce corps mortel et rétabli à ma place élevée avant de pouvoir envoyer cet instructeur spirituel vivre dans votre âme et conduire votre esprit dans la vérité. Quand mon esprit viendra demeurer en vous, il rendra claire la différence entre le péché et la droiture et vous permettra de juger sagement dans votre coeur à leur sujet.
« J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais à l'heure actuelle vous ne pourriez les supporter. Toutefois, quand l'Esprit de Vérité viendra, il finira par vous guider dans toute la vérité, à mesure que vous passerez par les nombreuses demeures de l'univers de mon Père.
« Cet esprit ne parlera pas de lui-même, mais il vous déclarera ce que le Père aura révélé au Fils et vous fera même connaître des événements futurs; il me glorifiera comme j'ai glorifié mon Père. Cet esprit est issu de moi et vous révélera ma vérité. Tout ce que le Père possède dans ce domaine est désormais mien; c'est pourquoi je vous ai dit que le nouvel instructeur puiserait dans ce qui est mien et vous le révélerait.
« Très prochainement, je vous quitterai pour un peu de temps. Après cela, quand vous me reverrez, je serai déjà sur mon chemin vers le Père, de sorte que même alors vous ne me verrez pas longtemps ».
Pendant que Jésus faisait une courte pause, les apôtres se mirent à parler entre eux en disant: « Qu'est-ce qu'il nous raconte? Très prochainement je vais vous quitter, et quand vous me reverrez ce ne sera pas pour longtemps, car je serai sur mon chemin vers le Père. Que veut-il dire par « très prochainement » et par « pas longtemps »? Nous ne pouvons comprendre ce qu'il nous dit ».
Sachant qu'ils se posaient ces questions, Jésus dit: « Cherchez-vous à comprendre ce que j'ai voulu dire quand j'ai annoncé que très prochainement je ne serai plus avec vous, et qu'au moment où vous me reverrez je serai en chemin vers le Père? Je vous ai clairement dit que le Fils de l'Homme doit mourir, mais qu'il ressuscitera. Ne pouvez-vous discerner la signification de mes paroles? Vous aurez d'abord du chagrin, mais plus tard vous vous réjouirez avec nombre de personnes qui comprendront ces événements après qu'ils se seront produits. En vérité, une femme est anxieuse à l'heure de son enfantement, mais une fois qu'elle a été délivrée de son enfant, elle oublie immédiatement son angoisse dans la joie de savoir qu'un être humain est né dans le monde. De même, vous allez vous attrister de mon départ, mais je vous reverrai bientôt, et alors votre chagrin se transformera en joie, et vous recevrez une nouvelle révélation du salut de Dieu, une révélation que nul ne pourra jamais vous enlever. Tous les mondes seront bénis dans cette révélation de la vie triomphant de la mort. Jusqu'ici, vous avez formulé toutes vos requêtes au nom du Père. Après que vous m'aurez revu, vous pourrez aussi demander en mon nom, et je vous entendrai.
« Ici-bas, je vous ai enseigné par proverbes et parlé en paraboles. Je l'ai fait parce que spirituellement vous n'étiez que des enfants; mais l'heure vient où je vous parlerai sans ambages du Père et de son royaume. Je le ferai parce que le Père lui-même vous aime et désire vous être plus pleinement révélé. Les mortels ne peuvent voir le Père spirituel; c'est pourquoi je suis venu dans ce monde pour montrer le Père à vos yeux de créatures. Mais quand votre croissance spirituelle aura atteint sa perfection, vous verrez le Père lui-même ».
Après avoir entendu parler Jésus, les onze se dirent les uns aux autres: « Voici, il nous parle clairement. Le Maître est sûrement venu de Dieu. Mais pourquoi dit-il qu'il doit retourner auprès du Père? » Jésus vit que, même alors, ils ne le comprenaient pas. Ces onze hommes n'arrivaient pas à s'écarter des idées qu'ils avaient entretenues si longtemps sur le concept juif du Messie. Plus ils croyaient pleinement en Jésus en tant que Messie, plus leurs notions profondément enracinées, concernant le glorieux triomphe matériel sur terre du royaume, devenaient embarrassantes.