La cosmogonie d'Urantia

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152. Les Prodromes de la crise de Capharnaüm

LA COSMOGONIE D'URANTIA - FASCICULE 152. LES PRODROMES DE LA CRISE DE CAPHARNAÜM

L'HISTOIRE de la guérison d'Amos, le démoniaque de Gergésa, s'était déjà répandue à Bethsaïde et à Capharnaüm, de sorte qu'une grande affluence attendait Jésus lorsque son bateau accosta ce mardi matin. Dans cette foule se trouvaient les nouveaux observateurs envoyés à Capharnaüm par le sanhédrin de Jérusalem pour trouver un motif d'arrêter et d'inculper Jésus. Tandis que le Maître parlait avec les gens qui s'étaient rassemblés pour l'accueillir, Jaïre (1), l'un des chefs de la synagogue, se fraya un passage dans la foule, tomba à ses pieds, et lui demanda de l'accompagner immédiatement en lui disant: « Maître, ma petite fille, une enfant unique, est couchée chez moi à l'article de la mort. Je te supplie de venir la guérir ». Après avoir entendu la requête de ce père, Jésus lui dit: « Je vais t'accompagner ».

  (1) Cf. Luc VIII-41 et les parallèles.

Tandis qu'il parlait avec Jaïre, la multitude, qui avait entendu la supplique du père, les suivit pour voir ce  qui allait se passer. Un peu avant leur arrivée à la maison du chef, et alors qu'ils passaient rapidement dans une rue étroite où la foule les bousculait, Jésus s'arrêta soudain en s'écriant: « Quelqu'un m'a touché ». Les personnes proches de lui ayant nié tout contact volontaire, Pierre dit: « Maître, tu peux voir que cette foule te presse; elle risque de nous écraser, et cependant tu dis que quelqu'un t'a touché. Qu'est-ce que cela signifie? » Jésus dit: « J'ai demandé qui m'a touché, car j'ai perçu qu'une énergie vivante était sortie de    moi ». Il regarda autour de lui, et ses yeux tombèrent sur une femme de Césarée-Philippe, nommée Véronique, qui s'avança, s'agenouilla à ses pieds, et dit: « Durant des années j'ai été affligée d'une hémorragie épuisante. De nombreux médecins m'ont fait beaucoup souffrir; j'ai dépensé tout ce que je possédais, mais aucun n'a pu me guérir. Puis j'ai entendu parler de toi et j'ai pensé que, si je pouvais seulement toucher le bord de ton vêtement, je serais guérie. Alors j'ai avancé avec la foule jusqu'à ce que j'aie pu approcher de toi, Maître, et j'ai touché le bord de ton vêtement; cela m'a rendue bien portante; je sais que j'ai été guérie de mon affliction » (2).

  (2) Cf. Matthieu IX-20, Marc V-25, et Luc VIII-43.

En entendant cela, Jésus prit la femme par la main, la relava, et lui dit: « Ma fille, ta foi t'a guérie; va en   paix ». C'était la foi de Véronique, et non le contact, qui l'avait guérie. Ce cas est un bon exemple des cures apparemment miraculeuses qui émaillèrent la carrière terrestre de Jésus, mais qui, en aucun sens, ne résultèrent d'un acte conscient de sa volonté. La suite des temps prouva que Véronique était réellement guérie de sa maladie. Sa foi était d'une nature qui lui permettait de saisir le pouvoir créateur résidant dans la personne du Maître. Avec la foi quelle avait, il lui aurait suffit de s'approcher de la personne du Maître. Il n'était nullement nécessaire quelle touchât son vêtement; ce contact représentait simplement la partie superstitieuse de sa croyance. Jésus avait voulu parler à Véronique pour corriger deux erreurs susceptibles de demeurer dans sa pensée ou de subsister dans celle des témoins de cette guérison. Il ne voulait pas que cette femme s'en allât en pensant que l'on avait respecté sa peur lorsqu'elle avait essayé de dérober sa guérison, ou que cette cure était due au fait d'avoir superstitieusement touché son vêtement. Jésus désirait faire savoir à tout le monde que c'était la foi pure et vivante de Véronique qui avait opéré la cure.

1. -- DANS LA MAISON DE JAÏRE

Bien entendu, ce retard avait terriblement impatienté Jaïre, de sorte que le groupe se remit en marche à une allure accélérée. Avant qu'il ne fût entré dans la cour, l'un de ses serviteurs sortit en disant au chef: « Ne dérange pas le Maître; ta fille est morte ». Mais Jésus ne parut pas prêter attention aux paroles du serviteur; emmenant Pierre, Jacques, et Jean, il se tourna vers le père désolé et lui dit: « N'aie aucune crainte, crois seulement ». En entrant dans la maison, il vit que les joueurs de flûte étaient déjà là avec les membres du service funéraire et faisaient un tapage indécent; déjà la famille s'était mise à pleurer et à se lamenter. Jésus fit sortir de la pièce tous les pleureurs et y entra avec le père, la mère, et ses trois apôtres. Il avait dit aux pleureurs que la jeune fille n'était pas morte, mais ils s'étaient moqués de lui. Jésus s'adressa alors à la mère en lui disant: « Ta fille n'est pas morte; elle dort seulement ». Quand l'agitation dans la maison fut calmée, Jésus s'approcha de l'enfant étendue, la prit par la main, et lui dit: « Ma fille, je te le dis, réveille-toi et lève-toi ». Et lorsque la jeune fille entendit ces paroles, elle se leva immédiatement et traversa la chambre. Bientôt après elle se remit de son étourdissement, et Jésus ordonna qu'on lui donne à manger, car elle était restée longtemps sans prendre de nourriture.

Il y avait beaucoup d'agitation à Capharnaüm contre Jésus. Il réunit donc la famille et expliqua que la fillette était tombée dans le coma à la suite d'une longue fièvre, qu'il s'était borné à la réveiller, et qu'il ne l'avait pas ressuscitée d'entre les morts. Il expliqua la même chose à ses apôtres, mais ce fut en vain. Ils crurent tous qu'il avait ressuscité la fillette d'entre les morts. Tout ce que Jésus pouvait dire dans ces cas de miracles apparents avait peu d'effet sur ses disciples. Ils espéraient des miracles et ne manquaient aucune occasion d'attribuer un nouveau prodige à l'action de Jésus. Le Maître et les apôtres retournèrent à Bethsaïde après que Jésus leur eût spécifiquement recommandé de ne raconter cet épisode à personne.

Lorsqu'il sortit de la maison de Jaïre, deux aveugles conduits par un garçon muet le suivirent en réclamant à grands cris d'être guéris. À ce moment, la renommée de Jésus en tant que guérisseur était à son apogée. Partout où il allait, des malades et des affligés l'attendaient. Le Maître paraissait maintenant très fatigué, et tous ses amis se faisaient du souci, de crainte qu'en continuant à enseigner et à guérir il n'aille, au bout de ses forces et ne s'effondre.

Les apôtres de Jésus, sans parler des gens du peuple, ne pouvaient comprendre la nature et les attributs de ce Dieu-homme. Nulle génération ultérieure n'a d'ailleurs été capable d'évaluer ce qui se passa sur terre dans la personne de Jésus de Nazareth. Jamais la science ni la religion n'auront l'occasion de contrôler ces événements remarquables, pour la simple raison que cette situation extraordinaire ne pourra plus jamais se reproduire sur cette planète ni sur aucune autre de Nébadon. Jamais plus, sur aucun monde de cet univers, un être n'apparaîtra dans la similitude d'une chair mortelle, en incorporant en même temps tous les attributs de l'énergie créatrice conjugués avec les dons spirituels qui transcendent le temps et la plupart des autres limitations matérielles.

Jamais avant que Jésus n'ait séjourné sur terre, et jamais depuis lors, il n'a été possible d'obtenir d'une manière aussi directe et pittoresque les résultats accompagnant la foi solide et vivante des mortels des deux sexes. Pour répéter ces phénomènes, il faudrait retourner en présence immédiate de Micaël, le Créateur, et le trouver tel qu'il était à cette époque -- le Fils de l'Homme. Aujourd'hui, alors que son absence empêche ces manifestations matérielles, il faut s'abstenir de limiter en quoi que ce soit la démonstration possible de son pouvoir spirituel. Bien que le Maître soit absent en tant qu'être matériel, il est présent dans le coeur des hommes en tant qu'influence spirituelle. En quittant ce monde, Jésus a permis à son esprit de vivre aux côtés de celui de son Père, qui habite les penseurs de toute l'humanité.

2. -- LE RAVITAILLEMENT DES CINQ MILLE

Jésus continua à enseigner le peuple durant la journée et à instruire les apôtres et les évangélistes dans la soirée. Le vendredi, il ordonna une semaine de vacances pour permettre à tous ses disciples d'aller passer quelques jours chez eux ou chez leurs amis avant d'aller à Jérusalem pour la Pâque. Mais plus de la moitié, de ses disciples refusèrent de le quitter, et la foule s'accrut chaque jour au point que David Zébédée voulut établir un nouveau campement, mais Jésus refusa d'y consentir. Le Maître avait eu si peu de repos durant le sabbat que, le dimanche matin 27 mars, il chercha à s'éloigner de la foule. Quelques évangélistes furent laissés en arrière pour parler à la multitude, tandis que Jésus et les douze projetaient de s'échapper incognito et d'aller sur la rive opposée du lac, où ils trouveraient, dans un magnifique parc au sud de Bethsaïde-Juliade, le répit dont ils avaient tant besoin. La région était un lieu de promenade favori pour les habitants de Capharnaüm, qui connaissaient bien ces parcs de la rive orientale.

Mais la foule ne l'entendit pas ainsi. Les intéressés virent la direction que prenait le bateau de Jésus, louèrent toutes les barques disponibles, et se lancèrent à sa poursuite. Ceux qui ne purent trouver de bateau partirent à pied en contournant l'extrémité nord du lac.

Tard dans l'après-midi, plus de mille personnes avaient repéré le Maître dans l'un des parcs. Il leur parla brièvement, et Pierre le relaya. Beaucoup de ces gens avaient apporté de la nourriture. Ils prirent leur repas du soir, puis s'assemblèrent par petits groupes tandis que les apôtres et les disciples de Jésus les enseignaient.

Le lundi après-midi, la multitude s'était accrue. Elle comptait maintenant trois mille personnes et -- tard dans la soirée -- il continuait d'en arriver qui amenaient avec elles toutes sortes de malades. Des centaines de zélateurs avaient établi leurs plans pour s'arrêter à Capharnaüm afin de voir et d'entendre Jésus en cours de route en se rendant à la Pâque. Et ils ne voulaient à aucun prix y renoncer. Le mercredi à midi, plus de cinq mille hommes, femmes et enfants s'étaient rassemblés dans ce parc au sud de Bethsaïde-Juliade. Le temps était agréable, et la fin de la saison des pluies approchait dans cette région.

Philippe s'était procuré des provisions pour nourrir Jésus et les douze pendant trois jours; il en avait confié la garde au jeune Jean Mare, leur factotum. Cet après-midi était la troisième journée de présence pour la moitié de la foule, et les provisions de bouche que les gens avaient apportées étaient presque épuisées. David Zébédée n'avait pas ici de ville de toile pour loger et nourrir les foules. Philippe n'avait pas non plus fait de provisions pour une si grande multitude. Mais bien que les gens eussent faim, ils ne voulaient pas s'en aller. On chuchota que Jésus, désireux d'éviter les difficultés à la fois avec Hérode et avec les dirigeants de Jérusalem, avait choisi ce lieu situé hors de la juridiction de ses ennemis comme endroit favorable pour être couronné roi. L'enthousiasme de la foule croissait d'heure en heure. On ne disait rien a Jésus, mais bien entendu il savait tout ce qui se passait. Même les douze apôtres, et spécialement les jeunes évangélistes, avaient les idées faussées par ces notions de royauté. Les apôtres qui favorisaient cette tentative pour proclamer Jésus roi étaient Pierre, Jean, Simon Zélotès, et Judas Iscariot. Ceux qui s'opposaient au plan étaient André, Jacques Zébédée, Nathanael, Thomas, Matthieu, et Philippe. Quant aux jumeaux Alphée, ils étaient neutres. Le meneur du complot pour couronner Jésus était Joab, l'un des plus jeunes évangélistes.

Telle était la situation le mercredi après-midi à cinq heures, lorsque Jésus demanda à Jacques Alphée de convoquer André et Philippe. Jésus leur dit: « Qu'allons-nous faire de la multitude? Ces gens sont avec nous depuis trois jours, et beaucoup d'entre eux ont faim. Ils n'ont pas de vivres ». Philippe et André échangèrent un coup d'oeil, puis Philippe répondit: « Maître, tu devrais les renvoyer pour qu'ils aillent dans les villages des environs s'acheter de la nourriture ». André craignait que le complot pour instituer un roi ne prenne corps; il appuya donc rapidement Philippe en disant: « Oui Maître, je crois qu'il vaut mieux renvoyer la foule afin quelle aille son chemin et achète des vivres pendant que tu prendras un temps de repos ». À cet instant, d'autres apôtres parmi les douze s'étaient joints à l'entretien. Jésus dit alors: « Mais je ne désire pas les renvoyer affamés; ne pouvez-vous les nourrir? » C'en fut trop pour Philippe qui s'écria: « M@-@-{-`-@`-Avec deux cents deniers nous n'en aurions pas assez pour un repas ».

Avant que les autres apôtres n'aient eu la possibilité de s'exprimer, Jésus se tourna vers André et Philippe en disant: « Je ne veux pas renvoyer ces gens. Ils sont là telles des brebis sans berger, et je voudrais les nourrir. De quoi disposons-nous comme nourriture? » Tandis que Philippe s'entretenait avec Matthieu et Judas, André chercha le jeune Marc pour vérifier ce qui restait de leurs provisions. Il revint vers Jésus en disant: « Il ne reste au garçon que cinq pains d'orge et deux poissons séchés » -- et Pierre ajouta promptement: « Et il faut encore que nous mangions ce soir ».

Pendant un moment Jésus resta silencieux. Il y avait dans ses yeux un regard lointain. Les apôtres ne disaient rien. Jésus se tourna soudain vers André et dit « Apporte moi les miches et les poissons. Lorsqu'André lui eut apporté le panier, le Maître dit: « Ordonne aux gens de s'asseoir sur l'herbe par compagnies de cent, et de désigner un chef par groupe pendant que tu amènes tous les évangélistes ici auprès de nous ».

Jésus prit les pains dans ses mains et rendit grâces. Après quoi il rompit le pain et en donna à ses apôtres, qui le passèrent aux évangélistes, lesquels à leur tour le portèrent à la multitude. Jésus rompit et distribua les poissons de la même manière. La multitude mangea et fut rassasiée, et lorsqu'elle eut fini de manger, Jésus dit aux disciples: « Ramassez ce qui reste afin que rien ne se perde ». Quand ils eurent achevé de rassembler les morceaux, ils en avaient rempli douze paniers (1). Environ cinq mille hommes, femmes, et enfants participèrent à ce repas extraordinaire.

  (1) Cf. Matthieu XIV-15 à 21, Marc VI-35 à 44, Luc IX-12 à 17, et Jean VI-5 à 13.

Ce fut le premier et unique miracle de la nature que Jésus accomplit après l'avoir sciemment projeté. Il est vrai que ses disciples avaient tendance à qualifier de miracles des phénomènes qui n'en étaient pas, mais en l'espèce il s'agissait bien d'un authentique ministère surnaturel. D'après ce qui nous a été dit, Micaël multiplia les éléments nutritifs comme il le fait toujours, sauf qu'en l'espèce il élimina le facteur temps et le processus vital physiquement observable.

3. -- LA TENTATIVE DE COURONNEMENT

La nourriture des cinq mille au moyen de l'énergie surnaturelle fut un autre de ces cas où l'événement représentait la pitié humaine alliée au pouvoir créateur. Maintenant que la foule avait été rassasiée, et du fait que la renommée de Jésus avait été accrue séance tenante par ce prodigieux miracle, le projet de s'emparer du Maître et de le proclamer roi n'avait plus besoin des directives de personne. L'idée parut se répandre comme une contagion. Lorsque la foule vit ses besoins physiques assurés d'une manière soudaine et spectaculaire, sa réaction fut profonde et irrésistible. Depuis longtemps on avait enseigné aux Juifs qu'à son avènement le Messie, le fils de David, ferait à nouveau couler le lait et le miel dans le pays, et que le pain de vie leur serait offert, comme la manne du ciel était jadis censément tombée sur leurs ancêtres dans le désert. Cette expectative ne venait-elle pas de se réaliser sous leurs yeux? Quand cette foule affamée et manquant d'aliments eut fini de se gorger le la nourriture miraculeuse, sa réaction fut unanime: «Voilà notre roi ». Le libérateur d'Israël, auteur de prodiges, était venu. Aux yeux de ces âmes simples, le pouvoir de nourrir entraînait le droit de régner. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que la multitude rassasiée se soit levée comme un seul homme et ait crié: « Faites-le roi! »

Cette puissante clameur enthousiasma Pierre et ceux des apôtres qui conservaient encore l'espérance de voir Jésus affirmer son droit de régner. Leurs faux espoirs n'allaient pas subsister longtemps. À peine l'écho de la puissante clameur de la multitude avait-il fini de se répercuter sur les rochers voisins, que Jésus monta sur une énorme pierre, leva la main pour attirer l'attention, et dit: « Mes enfants, vos intentions sont bonnes, mais vous avez la vue courte et votre pensée est matérielle ». Il y eut une brève interruption; le vaillant Galiléen se tenait là, majestueusement cambré dans la lumière enchanteresse de ce crépuscule oriental. Jusqu'au bout des ongles il avait une allure de roi, tandis qu'il continuait à parler à la foule qui retenait son souffle: « Vous voudriez m'établir roi, non parce que vos âmes où été éclairées par une grande vérité, mais parce que vos estomacs ont été remplis de pain. Combien de fois vous ai-je dit que mon royaume n'est pas de ce monde? Le royaume des cieux que nous proclamons est une confraternité spirituelle, et nul ne siège sur un trône matériel pour y régner. Mon Père céleste est le Souverain infiniment sage et tout-puissant de cette confraternité spirituelle des fils de Dieu sur terre. Ai-je échoué dans ma révélation du Père des esprits au point que vous vouliez faire un roi de son Fils incarné? Partez maintenant et rentrez chez vous. S'il vous faut un roi, que le Père des lumières siège sur un trône dans le coeur de chacun de vous en tant que Souverain spirituel de toutes choses ».

Ces paroles de Jésus renvoyèrent la foule abasourdie et découragée. Beaucoup de ceux qui avaient cru en lui firent volte-face et cessèrent dorénavant de le suivre. Les apôtres se tenaient cois, réunis silencieusement autour des douze paniers remplis des restes de nourriture; seul le jeune Mare, leur garçon à toutes mains, ouvrit la bouche pour dire: « Et il a refusé d'être notre roi ». Avant de partir seul dans la montagne, Jésus se tourna vers André et dit: « Remmène tes frères à la maison de Zébédée et prie avec eux, spécialement pour ton frère Simon Pierre ».

4. -- LA VISION NOCTURNE DE SIMON PIERRE

Les apôtres sans leur Maître -- livrés à eux-mêmes -- montèrent dans leur bateau et commencèrent à ramer silencieusement vers Bethsaïde, sur la rive occidentale du lac. Aucun des douze n'était aussi écrasé et abattu que Simon Pierre. Ils prononcèrent à peine quelques paroles; ils pensaient tous au Maître dans la montagne. Les avait-il abandonnés? Jamais auparavant il ne les avait tous renvoyés en refusant de les accompagner. Que pouvait signifier tout cela?

L'obscurité les enveloppa bientôt, car un fort vent contraire s'était levé et il leur était presque impossible d'avancer. Tandis que les heures de nuit s'écoulaient à ramer péniblement, Pierre épuisé tomba dans un profond sommeil. André et Jacques l'étendirent sur le siège capitonné à l'arrière du bateau. Pendant que les autres apôtres peinaient contre le vent et les vagues, Pierre eut un rêve, une vision de Jésus s'approchant d'eux en marchant sur la mer. Quand le Maître parut passer près du bateau, Pierre cria: « Sauve-nous, Maître, sauve-nous ». Et ceux qui se trouvaient à l'arrière du bateau entendirent ces paroles. Tandis que cette apparition nocturne continuait dans la pensée de Pierre, il rêva que Jésus disait: « Ayez bon courage; c'est moi; ne craignez point ». Cela fit l'effet d'un baume de Galaad sur l'âme agitée de Pierre: cela calma son esprit troublé, de sorte que (dans son rêve) il cria au Maître: « Seigneur, si c'est bien toi, ordonne-moi de venir et de marcher avec toi sur les eaux ». Et quand Pierre se mit (dans son rêve) à marcher sur l'eau, les vagues tumultueuses l'effrayèrent et il allait sombrer lorsqu'il cria: « Seigneur, sauve-moi! » La plupart des douze l'entendirent pousser ce cri. Pierre rêva ensuite que Jésus venait à son secours, le prenait par la main, et le soulevait en disant: « O homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? (1)»

  (1) Cf. Matthieu XIV-31.

En liaison avec la dernière partie de son rêve, Pierre se leva véritablement du banc où il dormait, passa par dessus bord, et se mit réellement à l'eau. Il se réveilla de son rêve tandis qu'André, Jacques, et Jean se penchaient sur le bastingage et le retiraient de la mer.

Pierre considéra toujours cet épisode comme réel. Il crut sincèrement que Jésus était venu vers eux cette nuit-là. Il ne réussit que partiellement à convaincre Jean Marc, ce qui explique pourquoi celui-ci élimina de son évangile une partie de l'histoire. Quant à Luc, le médecin, il fit des recherches approfondies sur le sujet et conclut que l'épisode était une simple vision de Pierre; en conséquence, il refusa d'incorporer cette histoire dans son évangile.

5. -- DE RETOUR À BETHSAÏDE

Le mardi avant le lever du jour, ils ancrèrent leur bateau près de la maison de Zébédée, puis dormirent jusqu'à midi. André fut le premier à se lever. Il se promena sur le rivage et trouva Jésus, en compagnie de Jean Marc, leur factotum, assis sur une pierre au bord de l'eau. Beaucoup de zélateurs et de jeunes évangélistes avaient passé toute la nuit et une grande partie du lendemain à chercher Jésus dans les montagnes de la rive orientale. Mais Jésus, accompagné du jeune Marc, était parti à pied peu après minuit pour contourner le lac, traverser le fleuve, et revenir à Bethsaïde.

Parmi les cinq mille qui avaient été miraculeusement nourris et qui, l'estomac plein et le coeur vide, voulaient faire de Jésus un roi, cinq cents seulement persistèrent à le suivre. Avant que ces derniers n'eussent été informés de son retour à Bethsaïde, Jésus pria André de réunir les douze apôtres et leurs compagnons, y compris les femmes, en lui disant: « Je voudrais leur parler ». Et quand ils furent tous prêts, Jésus dit:

« Combien de temps vous supporterai-je? Vous est-il difficile de comprendre par l'esprit et manquez-vous de foi vivante? Durant tous ces mois je vous ai enseigné les vérités du royaume, et malgré cela vous restez dominés par des mobiles matériels au lieu de l'être par des considérations spirituelles. N'avez-vous même pas lu dans les Écritures le passage où Moïse exhorte les enfants incroyants d'Israël en leur disant: « Ne craignez pas, restez tranquilles, et contemplez le salut du Seigneur »? Le psalmiste a dit: « Mettez votre foi dans le Seigneur ». « Soyez patients, attendez le Seigneur, et ayez bon courage. Il fortifiera votre coeur ». « Remettez votre fardeau au Seigneur, et il vous soutiendra. Ayez toujours confiance en lui et déversez-lui votre coeur, car Dieu est votre refuge ». « Celui qui habite dans le lieu secret du Très-Haut demeurera à l'ombre du Tout-Puissant ». « Mieux vaut avoir foi dans le Seigneur que de donner sa confiance à des princes humains ».

« Avez-vous compris maintenant que l'accomplissement de miracles et de prodiges matériels ne gagnera pas d'âmes au royaume spirituel? Nous avons nourri une foule de gens, mais après cela ils n'ont eu ni faim du pain de vie ni soif de l'eau de la droiture spirituelle. Quand leur appétit a été calmé, ils n'ont pas cherché à entrer dans le royaume des cieux, mais plutôt à proclamer la royauté du Fils de l'Homme à la manière des rois de ce monde, uniquement pour pouvoir continuer à manger du pain sans avoir à travailler pour le gagner. Vous avez tous plus ou moins participé à cela, qui ne contribue en rien à révéler le Père céleste ni à faire progresser son royaume sur terre. N'avons-nous donc pas assez d'ennemis parmi les chefs religieux du pays sans faire ce qui nous aliénera également les chefs civils? Je prie le Père d'oindre vos yeux pour que vous puissiez voir, et d'ouvrir vos oreilles pour que vous puissiez entendre, afin que vous ayez pleinement foi dans l'évangile que je vous ai enseigné.

Jésus annonça ensuite qu'il voulait se retirer pendant quelques jours avec ses apôtres avant de se rendre à Jérusalem pour la Pâque, et il défendit à tous ses disciples et à la foule de le suivre. Jésus et les douze se rendirent donc par bateau dans la région de Génézareth pour deux ou trois jours de repos et de sommeil. Jésus se préparait à une grande crise de sa vie terrestre et passait donc beaucoup de temps en communion avec son Père céleste.

La nouvelle du ravitaillement des cinq mille et de la tentative pour faire de Jésus un roi excita une vaste curiosité et aiguillonna les craintes des chefs civils et religieux dans toute la Galilée et la Judée. Ce grand miracle ne fit aucunement progresser l'évangile du royaume dans l'âme des croyants peu enthousiastes et orientés matériellement, mais il provoqua une crise dans la famille des apôtres et des proches disciples de Jésus, qui avaient tendance à rechercher des miracles et à désirer ardemment un roi. Cet épisode spectaculaire mit fin à la première période d'enseignement, d'éducation, et de guérison; il inaugura la dernière année consacrée à proclamer les phases supérieures et plus spirituelles du nouvel évangile du royaume -- la filiation divine, la liberté spirituelle, et le salut éternel.

6. -- À GÉNÉZARETH

Pendant qu'il se reposait chez un riche croyant de la région de Génézareth, Jésus tint chaque après-midi des réunions privées avec les douze apôtres. Ces ambassadeurs du royaume formaient un groupe sérieux, calme, et assagi d'hommes désillusionnés. Même après tout ce qui était arrivé, les événements ultérieurs révélèrent que ces douze hommes n'étaient pas encore complètement délivrés de leurs notions ancrées et longtemps chéries sur la venue du Messie juif. Les événements des quelques semaines précédentes s'étaient déroulés trop rapidement pour que ces pêcheurs étonnés aient pu en saisir pleinement la signification. Il faut du temps aux hommes et aux femmes pour effectuer des changements importants et radicaux dans leurs conceptions fondamentales sur la conduite sociale, sur le comportement philosophique, et sur les convictions religieuses.

Tandis que Jésus et les douze se reposaient à Génézareth, la nombreuses assistance se dispersa, les uns rentrant chez eux, les autres se rendant à Jérusalem pour la Pâque. En moins d'un mois, les disciples enthousiastes de Jésus, qui le suivaient ouvertement au nombre de plus de cinquante mille dans la seule Galilée, se réduisirent à moins de cinq cents. Jésus désirait faire subir à ses apôtres l'expérience de l'inconstance des acclamations populaires, afin qu'ils ne soient pas tentés de s'appuyer sur de telles manifestations temporaires d'hystérie religieuse après qu'il les aurait laissés oeuvrer seuls pour le royaume; mais il ne réussit que partiellement dans son effort.

Le second soir de leur séjour à Génézareth, le Maître répéta aux apôtres la parabole du semeur et leur adressa l'allocution suivante: « Vous voyez, mes enfants, que l'appel aux sentiments humains est transitoire et totalement décevant; de même, l'appel exclusif à l'intellect est vide de sens et stérile; c'est seulement en adressant votre appel à l'esprit qui vit dans la pensée humaine que vous pouvez espérer obtenir un succès durable. Vous accomplirez alors les merveilleuses transformations de caractère qui se traduiront bientôt par une abondante récolte des véritables fruits de l'esprit dans la vie quotidienne de ceux qui sont ainsi délivrés des ténèbres du doute en naissant d'esprit dans la lumière de la foi -- dans le royaume des cieux ».

Jésus enseigna l'appel aux émotions en tant que technique pour arrêter et focaliser l'attention intellectuelle.  Il qualifia la pensée, ainsi éveillée et vivifiée, de porte d'entrée vers l'âme où réside la nature spirituelle de l'homme; c'est cette nature qui doit reconnaître la vérité et répondre à l'appel spirituel de l'évangile, pour procurer les résultats permanents des vraies transformations de caractère.

Jésus s'efforça ainsi de préparer les apôtres au choc imminent -- la crise du comportement public envers lui, qui allait éclater quelques jours plus tard. Il expliqua aux douze que les chefs religieux de Jérusalem conspireraient avec Hérode Antipas pour les anéantir. Les douze commencèrent à comprendre plus pleinement (mais non définitivement) que Jésus ne siégerait pas sur le trône de David. Ils saisirent plus complètement que les prodiges matériels ne feraient pas progresser la vérité spirituelle. Ils commencèrent à réaliser que la nourriture miraculeuse des cinq mille et le mouvement populaire pour faire de Jésus un roi marquaient l'apogée des espérances du peuple recherchant des miracles et attendant des prodiges, ainsi que le point culminant des acclamations de Jésus par la populace. Ils discernèrent vaguement et prévirent obscurément l'approche du passage au crible spirituel et de la cruelle adversité. L'intelligence de ces douze hommes s'éveillait lentement à la compréhension de la nature réelle de leur tâche d'ambassadeurs du royaume, et ils commencèrent à se cuirasser pour les rudes et sévères épreuves de la dernière année du ministère du Maître sur terre.

Avant leur départ de Génézareth, Jésus s'expliqua au sujet de la nourriture miraculeuse des cinq mille. Il raconta exactement aux douze pourquoi il s'était engagé dans cette manifestation extraordinaire de pouvoir créateur. Il leur assura qu'il n'avait pas cédé à un mouvement de compassion envers la foule avant d'avoir vérifié que son sentiment était « conforme à la volonté du Père ».

7. -- À JÉRUSALEM

Le samedi 3 avril de l'an 29, Jésus, accompagné seulement des douze apôtres, partit de Bethsaïde pour Jérusalem. Afin d'éviter les foules et d'attirer un minimum d'attention, ils passèrent par Gérasa et Philadelphie. Jésus défendit aux apôtres d'enseigner publiquement durant ce voyage; il ne leur permit pas non plus d'enseigner ni de prêcher pendant leur séjour à Jérusalem. Ils arrivèrent à Béthanie près de Jérusalem tard dans la soirée du mercredi 6 avril. Ils s'arrêtèrent pour une nuit seulement chez Lazare, Marthe, et Marie, mais dès le lendemain ils se séparèrent. Jésus resta avec Jean chez un croyant nommé Simon, voisin de Lazare à Béthanie. Judas Iscariot et Simon Zélotès s'arrêtèrent chez des amis à Jérusalem, tandis que les autres apôtres séjournaient deux par deux dans différents foyers.

Durant cette Pâque, Jésus ne pénétra qu'une seule fois dans Jérusalem, lors du grand jour de la fête. Beaucoup de croyants sortirent de la ville sous la conduite d'Abner pour rencontrer Jésus à Béthanie. Durant ce séjour à Jérusalem, les douze apprirent combien les sentiments d'amertume croissaient contre leur Maître. Ils quittèrent la ville convaincus qu'une crise était imminente.

Le dimanche 24 avril, Jésus et les apôtres partirent de Jérusalem pour Bethsaïde en passant par les villes côtières de Joppé, Césarée, et Ptolémaïs. De là ils allèrent par Rama et Chorazin à Bethsaïde, où ils arrivèrent le vendredi 29 avril. Aussitôt rentré chez lui, Jésus envoya André demander au chef de la synagogue l'autorisation de prendre la parole le lendemain, jour de sabbat, à l'office de l'après-midi. Jésus savait bien que c'était la dernière fois qu'on lui permettrait de parler dans la synagogue de Capharnaüm.

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