LA COSMOGONIE D'URANTIA - FASCICULE 96. JÉHOVAH, LE DIEU DES HÉBREUX
EN se faisant une conception de la Déité, l'homme commence par y inclure tous les dieux; ensuite il subordonne tous les dieux étrangers à sa déité tribale, et enfin il les exclut tous sauf le Dieu de valeur finale et suprême. Les Juifs synthétisèrent tous les dieux dans leur concept plus sublime du Seigneur Dieu d'Israël. Les Hindous combinèrent également leurs multiples déités en « une seule spiritualité des dieux » décrite dans le Rig Véda, tandis que les Mésopotamiens réduisirent leurs dieux au concept plus centralisé de Bel-Mardouk. Ces idées de monothéisme mûrirent dans le monde entier assez peu de temps après l'apparition de Machiventa Melchizédek à Salem, en Palestine. Mais le concept de la Déité prôné par Melchizédek ne ressemblait pas à celui de la philosophie évolutionnaire d'inclusion, de subordination, et d'exclusion; il était basé exclusivement sur le pouvoir créateur, et influença très rapidement les concepts les plus élevés de la déité en Mésopotamie, aux Indes, et en Égypte.
La religion de Salem fut révérée comme une tradition par les Kénites et diverses autres tribus cananéennes. L'un des buts de l'incarnation de Melchizédek était de développer une religion d'un Dieu unique de manière à préparer la voie à l'incarnation d'un Fils de ce Dieu unique. Micaël ne pouvait guère venir sur Urantia avant qu'il y existât un peuple croyant au Père Universel et chez lequel ce Fils puisse apparaître.
La religion de Salem persista chez les Kénites de Palestine en tant que credo, et cette religion, telle que les Hébreux l'adoptèrent plus tard, fut influencée d'abord par les enseignements moraux égyptiens, ensuite par la pensée théologique, babylonienne, et enfin par les conceptions iraniennes du bien et du mal. En fait, la religion hébraïque est fondée sur l'alliance entre Abraham et Machiventa Melchizédek, mais évolutionnairement elle est la conséquence de nombreuses circonstances dues à des situations extraordinaires; et culturellement elle a fait de larges emprunts à la religion, à la moralité, et à la philosophie de tout le Moyen-Orient. C'est par la religion hébraïque qu'une grande partie de la moralité et de la pensée religieuse de l'Egypte, de la Mésopotamie, et de l'Iran fut transmise aux peuples occidentaux.
1. -- LES CONCEPTS DE LA DÉITÉ CHEZ LES SÉMITES
Les premiers Sémites considéraient chaque objet comme habité par un esprit. Il avait les esprits du monde animal et du monde végétal, les esprits des saisons, le seigneur de la progéniture, les esprits du feu, de l'eau, et de l'air, bref un véritable panthéon d'esprits à craindre et à adorer. Les enseignements de Melchizédek concernant un Créateur Universel ne détruisirent jamais complètement la croyance à ces esprits subordonnés ou dieux de la nature.
Le progrès des Hébreux, commençant par le polythéisme, continuant par l'hénothéisme, et arrivant au monothéisme, ne fut pas un développement conceptuel ininterrompu et continu. Ils subirent bien des régressions dans l'évolution de leurs concepts de la Déité, et par ailleurs, à toutes les époques, il exista des idées variables sur Dieu chez différents groupes de Sémites croyants. Ils appliquèrent successivement de nombreuses dénominations à leurs concepts de Dieu et, pour éviter la confusion, nous allons définir ces divers noms de la Déité tels qu'ils se rapportent à l'évolution de la théologie juive.
1. Jéhovah était le dieu des tribus palestiniennes du sud, qui associèrent ce concept de la déité au Mont Horeb, le volcan du Sinaï. Jéhovah était simplement l'un des mille dieux de la nature qui retenaient l'attention des tribus et peuples sémitiques et prétendaient à leur adoration.
2. El Elyon. Pendant des siècles après le séjour de Melchizédek à Salem, sa doctrine de la Déité persista sous différentes versions mais on y employait en général le terme El Elyon le Très Haut Dieu du ciel. Beaucoup de Sémites, y compris les descendants immédiats d'Abraham, adorèrent simultanément Jéhovah et El Elyon à diverses époques.
3. El Shaddaï. Il est difficile d'expliquer ce que représentait El Shaddaï. Cette idée de Dieu était un dérivé composite des enseignements du Livre de la Sagesse d'Aménémope, modifié par la doctrine d'Aton présentée par Ikhnaton, et influencé en outre par les enseignements de Melchizédek incorporés dans le concept d'El Elyon. A mesure que le concept d'El Shaddaï imprégna la pensée hébraïque, il se colora entièrement des croyances qui régnaient dans le désert au sujet de Jéhovah.
L'une des idées dominantes de la religion de cette époque fut le concept égyptien de la divine Providence, l'enseignement que la prospérité matérielle est une récompense pour avoir servi El Shaddaï.
4. El. Dans toute cette confusion de terminologie et cette imprécision de concept, de nombreux croyants fervents s'efforcèrent sincèrement d'adorer toutes ces idées évoluantes de la divinité, et la pratique s'établit d'appeler El cette Déité composite. Et cette expression incluait encore d'autres dieux de la nature imaginés par les Bédouins.
5. Elohim. À Kish et à Ur, il subsista longtemps des groupes sumériens-chaldéens qui enseignèrent un concept de Dieu trois-en-un, fondé sur les traditions du temps d'Abraham et de Melchizédek. Cette doctrine fut propagée en Égypte où sa Trinité fut adorée sous le nom d'Elohim, ou d'Eloah au singulier. Les cercles philosophiques d'Égypte, et plus tard les éducateurs alexandriens d'origine hébraïque, enseignèrent cette unité de dieux pluraux. A l'époque de l'exode, beaucoup de conseillers de Moïse croyaient en cette Trinité. Toutefois, le concept des Elohim trinitariens ne fit jamais véritablement partie de la théologie hébraïque avant le moment où les Juifs eurent passé sous l'influence politique des Babyloniens.
Noms divers. Les Sémites n'aimaient pas prononcer le nom de leur Déité. Ils eurent donc recours de temps à autre à de nombreuses appellations telles que: l'esprit de Dieu, le Seigneur, l'Ange du Seigneur, le Tout Puissant, le Saint, le Très Haut, Adonaï, l'Ancien des Jours, le Seigneur Dieu d'Israël, le Créateur du Ciel et de la Terre, Kyrios, Jah, l'Éternel des Armées, et le Père Céleste.
Jéhovah est une expression récemment employée pour désigner le concept parachevé de Yahvéh qui apparut finalement par évolution dans la longue expérience hébraïque. Le nom de Jéhovah ne fut pas utilisé avant le XVIième siècle de l'ère chrétienne.
Jusque vers l'an 2.000 avant le Christ,le Mont Sinaï était un volcan actif par intermittences; des éruptions occasionnelles se produisirent jusqu'à l'époque du séjour des Israélites dans cette région. Le feu et la fumée, ainsi que le tonnerre des détonations accompagnant les éruptions de cette montagne volcanique, inspiraient une peur respectueuse aux Bédouins des régions environnantes; ils les impressionnaient et leur faisaient grandement craindre Jéhovah. L'esprit du Mont Horeb devint plus tard le Dieu des Sémites hébreux, et ils finirent par croire à sa suprématie sur tous les autres dieux.
Les Cananéens avaient longtemps révéré Jéhovah, mais parmi eux beaucoup de Kénites croyaient plus ou moins en El Elyon, le super-dieu de la religion de Salem; néanmoins, la majorité des Cananéens restait vaguement attachée à l'adoration des anciennes déités tribales. Ils n'étaient guère désireux d'abandonner leurs déités nationales en faveur d'un Dieu international, pour ne pas dire interplanétaire. Leur pensée ne s'intéressait pas à une déité universelle, et c'est pourquoi ces tribus continuèrent à adorer leurs déités tribales, y compris Jéhovah et les veaux d'argent et d'or symboliques du concept que les pâtres bédouins se faisaient de l'esprit du volcan du Sinaï.
Les Syriens, tout en adorant leurs dieux, croyaient aussi au Jéhovah des Hébreux, car leurs prophètes dirent au roi de Syrie: « Leurs dieux sont des dieux des montagnes; ils sont donc plus forts que nous; mais combattons les dans la plaine, et nous serons sûrement plus forts qu'eux » (1).
À mesure que leur culture progresse, les hommes subordonnent leurs dieux mineurs à une déité suprême; l'expression « par Jupiter » ne persiste que comme une exclamation (2). Les monothéistes conservent leurs dieux subordonnés comme esprits, démons, Parques, Néréides, fées, gnomes, nains, banshee (3), et mauvais oeil. Les Hébreux passèrent par l'hénothéisme et crurent longtemps à l'existence de dieux autres que Jéhovah, mais ils estimèrent de plus en plus que ces déités étrangères étaient subordonnées à Jéhovah. Ils admettaient la réalité de Chémosh, dieu des Amorites, mais soutenaient sa subordination à Jéhovah.
Parmi les théories humaines de Dieu, c'est l'idée de Jéhovah qui a subi le développement le plus étendu. On ne peut comparer son évolution progressive qu'à la métamorphose du concept de Bouddha en Asie. Ce dernier conduisit au concept de l'Absolu Universel, comme le concept de Jéhovah conduisit finalement au concept du Père Universel. Il faut comprendre ce fait historique: les Juifs changèrent ainsi leur point de vue sur la Déité depuis le dieu tribal du Mont Horeb jusqu'au Père Créateur aimant et miséricordieux de l'époque ultérieure, mais ne changèrent pas son nom; tout au long de leur histoire ils continuèrent à appeler Jéhovah ce concept évoluant de la déité.
(1) I Rois XX-23 et 28.
(2) En anglais « By Jove ». En français « par Jupiter » ou « pardieu » ou « parbleu ».
(3) Fées présageant la mort (Irlande, Écosse).
2. -- LES PEUPLES SÉMITIQUES